Médecine traditionnelle chinoise

Une approche globale

Bien que ses principales modalités de traitement s'adressent au corps physique (massage, acupuncture, diététique, pharmacopée) et que les raisons de consultation soient le plus souvent des malaises physiques et des somatisations (douleurs musculosquelettiques, sevrage, fatigue, dépression, troubles respiratoires, digestifs, uro-génitaux, etc.), la Médecine traditionnelle chinoise (MTC) n'envisage pas de séparation entre les plans physique, émotionnel et spirituel. Elle ne peut non plus concevoir le fonctionnement de l'individu hors de son contexte social, géographique et même cosmologique... On est bien loin d'une vision qui compare le corps à une machine sophistiquée faite de pièces distinctes, interchangeables et réparables. La MTC privilégie depuis toujours une approche globale, elle base son diagnostic et son plan de traitement sur une conception de la vie où toute composante s'envisage dans un réseau de relations et d'interdépendances.


L'homme et son environnement

Médecine traditionnelle chinoise

Par exemple, le Ciel et la Terre, considérés comme les deux forces majeures du macrocosme, fournissent au microcosme humain à la fois son esprit originel et sa trame matérielle (le corps) qui, indivisibles, lui permettent d'exister. L'organisme, tout au long de sa vie, reçoit du couple Ciel-Terre l'Air et les Aliments nécessaires à sa survie. D'autres aspects de l'environnement sont également déterminants pour l'être humain, et sont considérés comme des éléments à part entière de sa physiologie; on peut penser au climat, au cycle lumineux jour-nuit ou aux variations saisonnières de température et d'humidité qui influencent les cycles de vie des micro-organismes, des plantes et des animaux. Tout cela a un impact majeur sur les chaînes alimentaires et les écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que sur le développement des facteurs pathogènes comme les virus et les bactéries, que la MTC assimile dans son langage à des Énergies perverses.

Les composants chimiques et dynamiques des Aliments, que la MTC représente par le concept des Saveurs, soutiennent l'activité des Organes et des tissus. L'assimilation de l'Air et des Aliments renouvelle constamment les Énergies qui entretiennent notre vitalité première et notre forme corporelle, nous permettant d'utiliser, de préserver et de développer les dons et les capacités que nos parents nous ont transmis à la conception et qui représentent l'héritage de notre lignée.


Une vision circulaire

La MTC explique que la santé et l'équilibre proviennent des relations entre trois importants aspects de notre être :

  • Les Substances qui circulent dans notre corps - constamment renouvelées.
  • La qualité des caractéristiques physiques et psychiques reçues de nos parents.
  • Les niveaux subtils qui nous habitent : émotions et fonctions psychiques.

Cycles Cheng - Médecine traditionnelle chinoise


Tous ces constituants sont interdépendants :

  • L'état des Substances et des Organes influence nos perceptions et notre état émotionnel (si l'on a mal au ventre, on peut devenir plus intolérant...).
  • Le dynamisme des émotions se répercute sur l'activité du mental, de la conscience et du psychisme, ainsi que sur la possibilité de développer notre dimension spirituelle (si l'on vit dans l'insécurité perpétuelle, la réalisation de soi est notre dernière préoccupation).
  • L'activité du mental, la conscience et la spiritualité influencent à leur tour nos perceptions et nos émotions, tout comme ils déterminent notre mode de vie (notre façon de respirer, de manger et d'utiliser les ressources du Ciel et de la Terre).
  • Ce mode de vie influence à son tour le renouvellement et l'entretien des Substances des Organes...

Ainsi, la boucle est bouclée en une spirale qui entretient notre santé et développe notre savoir-faire, ou au contraire qui nous entraîne vers la maladie et les souffrances physiques et psychiques; et cet ensemble - organique et inextricable - dépend de nos choix quotidiens, sans cesse répétés.


Une guérison pas à pas

La MTC intervient à petites doses, au cas par cas, pas à pas... par les exercices respiratoires et la gestuelle mille fois répétée et corrigée du Qi Gong, par la méditation quotidienne, la diète régulière, les mouvements fermes et répétitifs du massage Tui Na, les traitements d'acupuncture qui réveillent le souvenir d'un état d'équilibre perdu ou qui tracent peu à peu la carte d'un nouvel ordre, et les décoctions ou les tisanes, bues et rebues avec les mêmes grimaces, mais la même patiente détermination. Tous ces efforts servent progressivement à corriger l'état général, à stimuler les fonctions immunitaires et à chasser les facteurs pathogènes, comme un lent combat qui se gagne parfois de manière fulgurante (et facile), mais le plus souvent centimètre par centimètre avec courage et persévérance !

L'approche curative de la MTC ne constitue certes pas la voie de la facilité - elle ne propose pas de prendre deux cachets et d'attendre! Sa vision holistique permet cependant au patient d'être un élément actif au cœur du processus de guérison. Elle offre l'opportunité de s'approprier la responsabilité de sa propre santé, en considérant les multiples dimensions de son être autant pour évaluer son problème que pour choisir parmi les innombrables avenues de guérison possibles.

Médecine traditionnelle chinoise

Généralités sur les émotions

La gestion des émotions fait partie intégrante de l’hygiène de vie dans la vision chinoise de la santé. Le fait de gérer ses émotions correctement permet non seulement d’optimiser sa vitalité, mais aussi et surtout de prévenir l’apparition de maladies potentiellement graves.

D’un point de vue chinois, les émotions non ou mal gérées vont entrainer un blocage de la fonction Foie, amenant ainsi une stase du sang et de l’énergie dans l’organisme. Si cette stagnation est importante et de longue durée, on peut assister à l’apparition de tumeurs bénignes (lipomes, fibromes, etc.), voire de tumeurs malignes si de la chaleur se surajoute.

Classiquement, les Chinois décrivent cinq émotions : colère, joie, tristesse, réminiscence, peur. L’apparition de telle ou telle émotion dans le courant de la journée est tout à fait normale. Une émotion ne devient pathologique que si elle est exagérée ou dure trop longtemps. Au quotidien, nous devrions ressentir un peu de toutes ses émotions, mais la joie devrait être prédominante.


Comment naissent les émotions ?

D’un point de vue chinois, une émotion est une réaction involontaire et inconsciente à une stimulation venant de l’extérieur (image, son, ambiance, etc.) au niveau de l’esprit (il n’y a à ce moment aucune réaction physique). Au départ l’information est tout à fait neutre et ne recevra une coloration émotionnelle qu’en fonction de ce que nous sommes et de notre état au moment de la réception. Une émotion apparaît de façon complètement inconsciente, en fonction entre autre de notre passé. Il n’y a donc aucune culpabilité à avoir lorsque nous ressentons telle ou telle émotion.

Dans un premier temps, en fonction de notre réceptivité (« grille » plus ou moins ouverte gérée par la fonction Cœur), nous allons recevoir inconsciemment et plus ou moins fortement une stimulation. Celle-ci est ensuite comparée à notre expérience ou à nos souvenirs (gérée par la fonction Rate). À ce moment, l’émotion surgit dans notre esprit. Par exemple, je me promène dans la rue et, sur un mur, se trouve une affiche de bicyclette. Si je suis en profonde méditation métaphysique et donc que ma « grille » est complètement fermée, je passerais sans la voir et je ne ressentirais aucune émotion. Par contre, si je fais un minimum attention, la vue de cette affiche pourra déclencher en moi toutes sortes d’émotions :

  • si je viens de me blesser à bicyclette, cette image pourra déclencher en moi une émotion de peur
  • si un de mes proches vient d’avoir un accident grave à bicyclette, cette image pourra engendrer chez moi une émotion de colère
  • si depuis très longtemps je cherche à acheter une bicyclette avec un rapport qualité/prix imbattable, cette vue réenclenchera en moi une émotion de réminiscence
  • si cette belle bicyclette est trop chère pour moi, elle pourra engendrer une émotion de tristesse
  • enfin, si je trouve cette publicité particulièrement bien réussie et belle et qu’elle me fait penser à de bons souvenirs, elle pourra déclencher en moi une émotion de joie.

La joie

Cette émotion est liée à la fonction Cœur. Une joie normale n’est pas en elle-même une cause de maladie ; au contraire elle entretient un état mental bénéfique qui favorise le bon fonctionnement de l’organisme. Il serait bon d’essayer d’entretenir ce type d’émotion pour rester en bonne santé.

Les livres anciens notent : « La joie fait que l’esprit est serein et détendu, elle a des effets bénéfiques sur l’énergie nourricière et l’énergie de protection. »

Au contraire, un état d’excitation et de désirs excessifs (ce que l’on pourrait nommer un état de joie excessive) sont néfastes pour l’organisme et entraînent par exemple : palpitations, insomnies, agitation, excès de paroles, sursaut au moindre bruit, etc.

La joie peut aussi être une cause de maladie lorsqu’elle est trop soudaine, comme par exemple lorsqu’on apprend subitement une bonne nouvelle (dans ce cas, on est proche du « choc émotionnel »).


La colère

Cette émotion est liée à la fonction Foie. Cette émotion comprend également ce que nous appellerions frustration, ressentiment, colère refoulée, fureur. L'un des rôles de la fonction Foie est de répondre physiquement à une stimulation.

De ce fait, une réaction brutale et vive peut être saine si elle est en adéquation avec la stimulation déclenchante. Par exemple, si je vois une grave injustice, la colère qui naît en moi est saine et va me permettre de réagir de manière juste.

Au contraire, une colère excessive, inadaptée ou qui dure trop longtemps, est pathologique. Elle entraine une stagnation de l’énergie de la fonction Foie lorsqu’elle est refoulée (avec des symptômes comme une oppression des flancs, des soupirs fréquents, une certaine irritabilité). Elle provoque une forte montée de l’énergie de la fonction Foie lorsqu’elle éclate violemment (avec des symptômes comme des maux de tête, des sensations vertigineuses, des insomnies, des problèmes de vision).


La réminiscence

Cette émotion est liée à la fonction Rate. Elle comprend aussi l’excès de « penser-réfléchir » et la nostalgie, sans particulièrement de tristesse.

Il est évident que le fait de penser et de réfléchir est nécessaire dans la vie quotidienne et permet de fixer les souvenirs régis par la fonction Rate. Le fait de se souvenir nous permet aussi de nous remettre en question en analysant nos actes et ainsi d’avancer dans la vie.

Par contre, l’excès de réflexion consiste à ruminer, ressasser, penser sans arrêt à certains évènements (en général peu agréables !) ou à certaines personnes, même en l’absence d’inquiétude. Notons que cette coloration émotionnelle excessive ne donne naissance à aucune décision ou action concrète ; elle est donc stérile.

L’excès de réminiscence a tendance à bloquer l’énergie dans le Foyer Moyen, lieu où se produisent la digestion et le métabolisme des aliments. De ce fait, il entraine les symptômes suivants : modification importante du volume corporel (amaigrissement ou obésité), fatigabilité (par manque de fabrication d’énergie), extrémités froides (par manque de sang), mauvaise digestion, sensation de distension de l’épigastre, etc. Il serait donc important d’apprendre de mieux en mieux à vivre le moment présent, pleinement et en pleine conscience, afin d’éviter une nostalgie excessive nocive à notre santé.


La tristesse

Cette émotion est liée à la fonction Poumon. Au bout d’un certain temps, la tristesse peut se transformer en chagrin. Elle comprend également ce que nous appelons l’inquiétude. Cette émotion est liée à la fonction Poumon. Au bout d’un certain temps, la tristesse peut se transformer en chagrin. Elle comprend également ce que nous appelons l’inquiétude.

D’un point de vue chinois, en cas de deuil d’un proche, il n’est pas anormal que la tristesse puisse durer environ un an, sans dépasser ce laps de temps ; d’où l’utilité d’apprendre à « faire son deuil », d’abord dans les petites choses, puis dans les plus importantes. Par contre, pour les autres stimulations, la tristesse ne doit pas durer trop longtemps.

Une tristesse de trop longue durée ou trop profonde entraîne une faiblesse de la fonction Poumon, ce qui se traduit par les symptômes suivants : essoufflement, fatigue, teint pâle, voix faible, problèmes de peau de type eczéma, etc.


La peur sans raison

Cette émotion est liée à la fonction Reins. Elle correspond également à ce que l’on appelle stress et angoisse.

La peur désigne ici la « peur sans raison », et non pas une peur concrète. C’est la différence entre une idée sans réalité qui stresse et l’émotion survenant en voiture juste avant un accident. Il existe une peur saine et bénéfique pour l’organisme ; c’est celle qui va entrainer de petites décharges d’adrénaline et va stimuler l’action et le passage à l’acte.

De même, un stress modéré mais répété (dans le cadre professionnel par exemple) n’est pas forcément malsain et peut au contraire nous pousser à faire le mieux possible. Bien souvent, dans notre civilisation occidentale moderne, la question de la mort est génératrice de peur sans raison immédiate. Il nous serait nécessaire de réfléchir plus profondément à la dualité vie/mort pour effacer cette angoisse.

La peur a comme effet pathologique de faire descendre l’énergie, de la faire sombrer (la fonction Reins ayant pour rôle principal de faire monter la chaleur vitale). Notons aussi que cette émotion est souvent sournoise, silencieuse, et qu’elle peut de ce fait aggraver d’autres désordres émotionnels.

Une peur sans raison qui s’installe à demeure chez une personne finit par provoquer une blessure de la fonction Reins, avec comme symptômes : ptôses de l’estomac ou de la vessie, incontinence urinaire, volonté défaillante, etc.


Quels sont les quatre stades entre l'apparition d'une stimulation et sa réponse ?

D’un point de vue chinois, lorsqu’une stimulation nous arrive, il est nécessaire - plus ou moins consciemment, plus ou moins volontairement - de passer par quatre stades pour y apporter une réponse la plus adaptée et la plus "juste" (au sens chinois de "Zheng", "ce qui est droit").

Première phase : accueillir la stimulation et l’émotion qui naissent. Prendre du recul, sans porter de jugement dans un premier temps, afin de remettre ces faits à leur bonne place et dans tout ce qui fait notre vie.

Deuxième phase : élaborer ce qu'on pourrait appeler un « plan de bataille ». Ceci ne peut se faire que si le premier stade est réellement accompli, de manière à voir de façon objective la ou les actions à mener. Ce plan de bataille est plus ou moins compliqué et se fait de façon plus ou moins consciente. Dans les cas plus complexes, cela peut nécessiter de passer des coups de téléphone, de demander conseil, de réunir certains documents, etc.

Troisième phase : passage aux actes. Ce serait évidemment inutile d’avoir élaboré un bon plan d’action s’il n’était pas suivi de conséquences dans les faits.

Quatrième phase : évaluation des résultats des premiers actes, de leur réponse, et modification éventuellement du plan d’action.


Exemple des quatre stades entre l'apparition d'une stimulation et sa réponse

Je suis dans le métro, et quelqu’un me marche sur le pied. Immédiatement, j’ai mal au pied et je sens la colère monter en moi.

Première phase : j’accueille cette douleur et cette colère comme étant les conséquences normales de la stimulation. Attention, normal ne veut pas toujours dire agréable ou bon. Je prends du recul par rapport à ce qui vient de se passer en remettant la stimulation à sa bonne place : j’ai mal mais ce n’est pas si grave que ça ; la colère née de cette douleur est logique.

Deuxième phase : j’élabore un "plan de bataille". Bien entendu, dans ce cas précis, je vais d’abord retirer mon pied pour éviter que la douleur continue, et je vais réfléchir à l’attitude à avoir. La personne qui m’a marché sur le pied l’a-t-elle fait exprès ? Est-ce moi qui ai mis mon pied sous le sien ? La question est de savoir comment répondre de façon adéquate à cette stimulation : vais-je crier, insulter l’autre, simplement montrer que je suis gêné ? Évidemment, cette phase peut ne durer que quelques fractions de secondes dans les cas simples.

Troisième phase : passage aux actes. Je fais sans tarder ce que j’ai décidé de faire et j’attends la réponse.

Quatrième phase : en fonction de la réaction à ma réponse, je peux éventuellement revenir au deuxième stade, pour élaborer une autre stratégie qui conviendrait mieux.

En conclusion de cet exemple, il est évident que le plus délicat dans ce processus est le premier stade. Comment arriver à remettre la stimulation et l’émotion qui en naît à leur bonne place, de manière à générer la meilleure réponse ? C’est le but de ce que le Professeur Leung Kok Yuen nomme « l’optimisme » (avec sans doute un problème de traduction) et que nous appellerons ici« l’acceptation dynamique ».

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